Paris le 31 octobre 2017.
Dépaysement garanti et immersion dans un magnifique western haletant et explosif.
Entre La Horde sauvage et les films de Tarantino, un western noir terriblement efficace. Un roman sélectionné pour plusieurs grands prix littéraires américains. Une adaptation cinématographique de ce livre est en projet.
« Ils auraient dû prêter attention à Otis.
1888. Otis Boulder possédait ce que certains dans la région de San Fortunado appelaient un estomac gargouillant, un frémissement de ses sucs gastriques qui l’avertissait d’un danger imminent, pareil aux nerfs au bout du museau d’un chien capables de le prévenir du mauvais temps. C’était un sens utile dans ce Sud-Ouest en perpétuelle expansion.
Quand les deux étrangers basanés, brunis par le soleil, entrèrent dans le saloon largement désert, les sucs gastriques d’Otis lui laissèrent entendre d’un faible grognement qu’il ferait mieux de partir. Sans même terminer la boisson coupée à l’eau qu’il avait payée beaucoup trop cher, le maréchal-ferrant de trente-neuf ans se leva, attrapa son chapeau et se dirigea vers la sortie. Sa dernière pensée avant de franchir la porte ouverte et de sortir dans le crépuscule de San Fortunado fut que ces deux individus ne dégageaient pas une odeur d’hommes, mais de vautours.
Les hôtes du saloon jetèrent un coup d’œil furtif aux arrivants brunis par le soleil et reportèrent leur attention sur les collections de diamants et de personnages royaux qu’ils ne connaîtraient jamais qu’à travers les cartes. Le bétail avait été conduit vers le nord-est le matin même et durant les deux mois suivants le saloon serait peuplé de commerçants ivres guère occupés et de personnages revêches trop vieux pour monter à cheval et trop désagréables pour se marier.
Parmi ces citoyens de seconde zone de la région se trouvait une paire d’anomalies, un jeune et beau couple venu d’Arizona, marié depuis seulement trois semaines : Charles et Jessica Lowell. Quand les deux étrangers brunis par le soleil entrèrent dans le saloon, les jeunes mariés ne se contentèrent pas, comme les autres, d’un coup d’œil furtif – ils les regardèrent ouvertement. Les époux d’Arizona dévisagèrent les arrivants burinés, passèrent en revue les revolvers dans leurs étuis, les éperons longs et inutilement cruels, les gants jaunes tachés de brun par ce qui aurait pu être du sang séché, les manteaux sombres en loque d’avoir été trop portés, les visages ridés envahis d’une barbe hirsute et de longs cheveux entortillés qui tombaient de sous leurs larges chapeaux marron et ruisselaient sur leurs épaules comme de la cire de bougie en un enchevêtrement graisseux. Leur ressemblance frappante allait au-delà de la coïncidence : c’étaient de vrais jumeaux.
Charles pressa la main de sa femme et, un peu trop tard, lui murmura : “Ne les dévisage pas.” Les jeunes mariés les avaient observés ; les jumeaux les observèrent à leur tour. Celui de gauche montra le couple de son menton hirsute et l’autre acquiesça de la tête en enlevant son chapeau. Leurs lourdes bottes arrachaient des gémissements au plancher tandis qu’ils se dirigeaient vers les natifs d’Arizona.
Charles sentit ses muscles se contracter sous l’appréhension ; sa femme se glissa contre lui à la recherche de protection. Les jumeaux, la silhouette soulignée par la lueur bleu cendré du crépuscule, franchirent la distance qui séparait la porte des jeunes mariés. Sans trop savoir pourquoi, Charles eut la sensation de se tenir près d’une voie ferrée lorsqu’une locomotive arrive.
— Chers gentlemen, puis-je vous offrir un verre ? dit-il. Les jumeaux ne répondirent pas à la question ; ils tirèrent de sous la table des chaises en bois fatiguées en raclant les pieds sur le plancher du saloon et s’assirent. L’odeur de ces hommes rappela à Charles les abats d’une boucherie qu’on aurait conservés un jour de trop. »
Après avoir tiré un trait sur leurs jeunesses de braqueurs et d’assassins, les quatre membres du “Gang du grand boxeur” mènent désormais des existences rangées et paisibles. Jim a si bien réussi à refaire sa vie qu’il est sur le point d’épouser la sublime fille d’un shérif. Mais un fantôme ressurgi du passé annonce qu’il compte s’inviter à la cérémonie et profiter de la fête pour régler de vieux comptes. La mort dans l’âme, les quatre anciens amis n’ont plus qu’à se donner rendez-vous au mariage, où il faudra vaincre ou mourir. Mais ce qui les attend dépasse de très loin tout ce qu’ils avaient pu imaginer…
« Bien loin de John Ford et Sergio Leone, S Craig Zahler ne fait pas dans la dentelle et nous régale encore une fois avec un western noir complètement allumé. […] Il y a du Tarantino dans ce plaisir pervers à tout dynamiter sur son passage. » Léonard Desbrières, TECHNIKART
« La surprise surgit là où on ne l’attend jamais. C’est cru, violent souvent, à l’image de l’Ouest sauvage. Parce que dans la vie, il y a ceux qui tiennent le flingue et ceux qui creusent… » Estelle Baillieux, LA VOIX DU NORD
« Une histoire qui va à cent à l’heure et qui vous emporte dès la première page. » GOODREADS
« Un roman qui offre une perspective résolument moderne sur des thèmes familiers. Ce qui arrive quand les gangs s’affrontent… » BOOKLIST
« Un western abouti et plein de finesse qui tient aisément la comparaison face à tout ce que Cormac McCarthy ou Larry McMurtry ont écrit. » SOMEBODY DIES
Né en Floride, S. Craig Zahler est désormais New-Yorkais et a travaillé de nombreuses années en tant que directeur de la photo et traiteur, tout en jouant dans un groupe de heavy métal et en créant des pièces de théâtre bizarres. Son premier roman, un western intitulé A Congregation of Jackals, a été nominé pour les prix Peacemaker et Spur.
Batteur et parolier, Zahler continue la musique et vient de sortir avec son groupe Realmbuilder son troisième album, du métal à la fois épique et lugubre. Il est actuellement lancé dans la postproduction du long-métrage qu’il réalise, Bone Tomahawk, un film à la frontière du western et de l’horreur, avec Kurt Russell, Patrick Wilson, Richard Jenkins, Matthew Fox, Lili Simmons, Fred Melamed, et David Arquette.
Zahler apprend le kung-fu, et il est depuis toujours fan d’animation (dessin animé et image par image), de métal (tous genres confondus), de rock progressif, de soul, de littérature de genre (surtout le polar, l’horreur et la science-fiction pure et dure), de pulps, de vieux films, de chats obèses, et de robots asymétriques.
Une assemblée de chacals. S. Craig Zahler. Roman traduit par Janique Jouin-de Laurens. © Éditions Gallmeister, 2017, pour la traduction française. Collection Neo Noire. 368 pages. 21,70 euros. Photo de couverture © Tony Watson/Arcangel Images. Conception graphique : Valérie Renaud. ISBN 978-2-35178-170-8
Publié par Félix José Hernández.